SHI JING

SHI JING
SHI JING

Le Shi jing (Canon des poèmes ) est le Livre saint de la poésie. Il fait partie de la liste des cinq Jing (Livres canoniques ) les plus vénérés, c’est-à-dire des ouvrages mis plus ou moins directement sous le patronage de Confucius. La tradition attribuait au sage lui-même le choix des trois cent cinq poèmes qui composent cette anthologie. Mais il se pourrait que le Shi jing ait existé déjà tel quel avant Confucius. Celui-ci aurait seulement donné une forte impulsion à l’étude de cet ouvrage. Un homme qui ignore les Poèmes , disait-il, est comme quelqu’un qui se tiendrait face à un mur, ayant sa vue limitée et incapable d’avancer.

Divisions traditionnelles de l’ouvrage

Les Poèmes , très rythmés, sont facilement retenus par cœur. Il y a donc tout lieu de croire que le texte actuel, divisé en quatre parties, est très proche de celui que connaissait Confucius.

La première partie, intitulée Guo feng , «Airs des principautés», est formée de poésies populaires, ou de caractère populaire, en majeure partie profanes, groupées selon leur pays d’origine.

Les Ya (ya veut dire «ce qui convient»), qui composent les deux parties suivantes, sont subdivisés en petits Ya , où sont rassemblées des poésies de cour, chantées à l’occasion des fêtes et des cérémonies de moindre importance, et grands Ya , à savoir des chants exécutés en des occasions plus solennelles, lors des cérémonies royales par exemple.

La quatrième partie, Song («Éloge»), comprend surtout des hymnes religieux, à la louange des premiers rois. On les exécutait pendant les sacrifices aux ancêtres.

Étude chronologique des pièces

Nous étudierons ces pièces dans leur ordre chronologique, c’est-à-dire dans l’ordre inverse du précédent.

Les chants religieux sont en effet les textes les plus anciens; ces poèmes étaient chantés lors des danses religieuses ou des sacrifices offerts aux grands rois de la dynastie des Zhou, ainsi qu’à certaines divinités naturelles. Ils ont une forme assez primitive; le style est simple, sans ornement, la rime est absente ou très irrégulière, la strophe n’existe pas encore. Plutôt que de préoccupations littéraires, ils témoignent du sentiment religieux de l’époque. On croit qu’ils datent des quatre premiers rois de la dynastie (c’est-à-dire, approximativement, du Xe s. av. J.-C.). Les hymnes du pays de Lu sont sensiblement postérieurs et imités de ceux des Zhou, de même que les hymnes dits des Shang qui ne datent pas de cette dynastie, mais proviennent de la principauté de Song.

Les poèmes de cour , petits et grands Ya , sont moins anciens et plus élaborés. Ils comprennent des pièces narratives, des panégyriques commémorant l’investiture d’un prince ou la fondation d’une ville seigneuriale, et d’autres poèmes, les uns lyriques, les autres satiriques critiquant les mœurs décadentes; d’autres enfin évoquent les malheurs de la guerre. Au cours des banquets, on avait l’habitude de répartir les convives appartenant à des maisons princières distinctes en deux groupes antagonistes qui s’adonnaient à des sortes de joutes poétiques. Chaque convive choisissait un poème en rapport avec la circonstance, et le faisait chanter par des chanteurs accompagnés de musiciens. Si le groupe d’en face ne savait y répondre par un morceau approprié, il était perdant; parfois même, une bagarre s’ensuivait.

Les ministres et les grands faisaient un autre usage encore des petits Ya : leur symbolisme bien connu et admis permettait de les citer pour adresser subtilement des remontrances au prince sans arrogance apparente. De plus grande valeur littéraire que les Song , les poèmes Ya sont parfois très expressifs par la vérité des sentiments et le caractère concret, évocateur du langage. Des refrains scandent agréablement des stances régulières dont tous les vers se terminent par la même rime ou par des rimes plus ou moins régulièrement alternées.

Les poèmes populaires forment la partie la plus intéressante et la plus tardive du Shi jing : ce sont les Guo feng. Guo veut dire «pays, principauté», et feng , «vent», «souffle» qui remue les âmes, transforme les cœurs, d’où «influence» ou encore «air» (musical). De même qu’un tube musical rend un son sous l’action du souffle ou du vent, ces chants sont censés refléter les mœurs populaires et l’influence des grands sur l’esprit des paysans. Les Guo feng sont répartis en quinze livres, les deux premiers sont consacrés au pays de Zhou, domaine royal, et sont de ce fait supposés d’une perfection irréprochable. Les treize autres contiennent les chansons recueillies dans les autres principautés.

La plupart sont des chansons d’amour. Pour Marcel Granet, elles provenaient d’un vieux fond populaire et s’étaient formées à partir de thèmes poétiques inventés dans les fêtes saisonnières par des chœurs alternants de jeunes gens et de jeunes filles: récemment encore, on pouvait assister à des rassemblements analogues et à de telles gracieuses joutes poétiques dans certaines communautés paysannes d’Extrême-Orient. Les lettrés, par la suite, ont accumulé les gloses sur ces poèmes et en ont souvent faussé le sens original en leur attribuant une signification morale ou politique. Toutefois, l’origine directement populaire de ces chansons est de nouveau contestée par certains critiques chinois actuels, pour qui la littérature populaire est plus tardive que la lettrée. Les auteurs des Guo feng seraient des courtisans qui utilisaient des thèmes paysans. Les principaux arguments de cette thèse sont d’abord que le vocabulaire est homogène et ne contient pas de termes dialectaux, qu’on devrait trouver dans des chansons provenant de pays différents; ensuite, que le style et la prosodie très régulière reflètent un travail de lettrés. Toujours est-il que, spontanées ou non, ces anciennes poésies, dont la fraîcheur et la musicalité gardent tout leur charme, témoignent d’un lyrisme impersonnel; les descriptions des sites sont stéréotypées, les sentiments conventionnels: tout indique une origine populaire, même si l’on admet une refonte due à des lettrés. La première strophe de chaque chanson donne le rythme et le thème (souvent emprunté à la nature), les strophes suivantes se contentent de broder quelques variations. Symétrie et parallélisme sont les seules recherches de cet art très simple. Les vers sont de quatre mots (quatre syllabes) comme dans presque tout le Shi jing . Il est difficile d’assigner une date aux Guo feng ; dans l’ensemble, on peut admettre que toutes ces pièces sont antérieures au Ve siècle avant J.-C.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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